Célimène et le Cardinal

de Jacques Rampal

Gaëlle Billaut Danno et Pierre Azema
Gaëlle Billaut Danno et Pierre Azema

Célimène et le Cardinal est une comédie en vers qui a été crée le 14 Janvier 1992 au Théâtre de la Porte-Saint-Martin, avec Ludmila Mikaël dans le rôle de Célimène et Gérard Desarthe dans le rôle du Cardinal, dans une mise en scène de Bernard Murat

Résumé

CELIMENE:

J’ai beau prier le Ciel de toute mon ardeur,
D’étranges sentiments envahissent mon cœur :
Je ne puis m’empêcher de demander pourquoi
Cet homme, après vingt ans, accourt auprès de moi.
C’est lui qui m’a quittée, et j’ai bien retenu
Les mots qu’il nous lança du haut de sa vertu,
Le jour de son départ : « Accablé d’injustices,
Je vais sortir d’un gouffre où triomphent les vices,
Et chercher sur la Terre un endroit écarté
Où d’être homme d’honneur on ait la liberté. »

Cardinal ! N’était-ce pas le destin idéal d’un atrabilaire autoritaire et solitaire ? Car voici notre Misanthrope dans la situation très confortable d’un homme coupé du monde mais tenant ce monde dans sa main de fer : au 17è siècle, le pouvoir d’un prélat est considérable.

Mais qu’est donc venu faire l’égal de Mazarin chez son ancienne amante, mère de famille sans histoires ? La sauver ! Car il se dit hanté, depuis des mois, par un rêve « terrifiant » qu’il a pris pour un message divin et selon lequel Célimène court un danger mortel…

Convaincu d’être l’ambassadeur de Dieu auprès des hommes, Alceste décide donc de confesser cette brebis égarée, trop heureuse pour être honnête. Mais cette « confession » tournera vite à la joute oratoire entre un catholique traditionnaliste ancré dans son époque et une libertine avant l’heure, figure de proue d’un 18è siècle qui arrive à grands pas. JR

 

 

CELIMENE, l’interrompant:

Il a fallu vingt ans pour qu’un rêve, soudain,
Vienne vous éclairer sur mon sombre destin !
C’est tout à fait grotesque, et c’est une hérésie
Que de croire à un rêve !

 

Point de vue dramaturgique

Ce n’est pas la religion que je remets en question dans cette comédie, mais les ravages du Pouvoir. J’ai imaginé un Alceste « farouche et malheureux » entrant dans les ordres par dépit amoureux et devenant un grand de l’Eglise presque malgré lui. Cadeau empoisonné que cette soudaine puissance, car il n’est pire tyran qu’un fragile idéaliste parvenu au sommet de la hiérarchie : on se souvient des Anges de Kundera, qui rêvaient d’un monde sans pauvreté ni injustice avant de devenir les pires staliniens, illustrant parfaitement la phrase de Pascal :

« L’Homme n’est ni ange ni bête, et qui veut faire l’ange fait la bête. »

Dieu merci (si j’ose dire), Alceste est resté un être sensible et intelligent, qu’une Célimène aussi subtile que généreuse saura ramener à la raison… et peut-être à l’amour, car vingt ans après, il semble bien que  les Amants de Molière s’aiment toujours… et pour toujours. JR

 

ALCESTE:

Ainsi, vous reprochez à nos aristocrates
Leur noblesse de sang ! Quand tantôt vous parlâtes
De nous, grands de l’Eglise, avec autant de rage,
J’ai cru que ce n’était qu’un écart de langage,
Mais je dois constater, avec stupéfaction,
Que vous vous obstinez dans la contestation.
Pourquoi ne pas aussi dire à Sa Majesté
Que le pouvoir de père en fils est usurpé ?
Fustiger la Noblesse, incriminer le Roi,
Dénigrer le Clergé… Il y a là de quoi,
Madame, croyez-le, s’attirer des ennuis !